L'histoire de la société HOLOPHANE débute à Paris en 1893. L'ingénieur français André Blondel, avec l'aide de l'ingénieur Grec Spiridion Psaroudaki, invente le « verre moulé prismatique ». Ce procédé utilise le principe de la diffraction de la lumière. En taillant le verre en forme de prismes savamment répartis sur sa surface, les faisceaux lumineux peuvent être orientés dans une direction souhaitée. Le 30 septembre 1893, André Blondel dépose le brevet de son invention qu’il baptise « HOLOPHANE ». Ne pouvant l'exploiter, il décide de vendre ses droits.
Le brevet est racheté en 1894 aux États-Unis par Louis N. Bruner. En 1895, une société Américaine, the « Geo A.Macbeth company » rachète les droits de la marque HOLOPHANE à Louis M. Bruner. En 1896, les droits sont de nouveau rachetés par l'homme d'affaires Américain Otis Mygatt. En 1898, Otis Mygatt crée deux sociétés qui commercialisent les produits Holophane :
Holophane Glass Company Incorporation, à New York.
Holophane Limited, à Londres.
Naissance de la SA HOLOPHANE aux Andelys
Ces deux sociétés sont à leurs débuts dépourvus de moyens de production propres. Pour la branche Américaine de la société, Otis Mygatt s'associe à d'autres sociétés aux États-Unis pour la fabrication des produits Holophane. La branche Américaine acquiert définitivement ses moyens de productions propres après la première guerre mondiale. Pour la branche Britannique, Otis Mygatt s'associe à un entrepreneur Français, M. Froget, spécialiste de la fabrication de moules pour l’industrie du caoutchouc. Ils créent ensemble en 1920 une société à Paris pour la fabrication de moules pour le verre. Cette société implante en 1921 son usine de production aux Andelys.
Après avoir créé ses premières activités en France, la société HOLOPHANE est organisée de la manière suivante au début des années 1920 :
Holophane Glass Company Incorporation, avec ses moyens de productions propres, commercialisant ses produits aux États-Unis.
Holophane Limited, avec un territoire de vente très étendu excluant seulement les États-Unis, sans moyens de productions propres.
Société Anonyme Holophane, dont le siège social est localisé sur le Boulevard Haussmann à Paris, qui gère l'activité de la production pour la société anglaise via son usine des Andelys. L'entité française obtient le droit de la société anglaise de vendre ses produit en direct en France, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Suisse et en Belgique.
Les capitaux des sociétés américaine, anglaise et française sont indépendants. Otis Mygatt possédait des parts dans les trois sociétés. Celles-ci sont liées par un lien technique très étroit, comportant la licence gratuite des Brevets et marques de l’une aux deux autres.
En 1930, Otis Mygatt cède ses parts dans les trois entités HOLOPHANE. En France, elles sont reprises par Henri Balsan. La SA HOLOPHANE (française) devient ainsi entièrement indépendante des entités anglaises et américaines. C'est à partir de cette date, sous l’impulsion du Comte Exelmans, que la société évolue vers l’industrialisation.
Premiers luminaires d'éclairage public
Entre 1920 et 1950, la SA Holophane est spécialisée dans trois principaux domaines d'activités :
La verrerie d'art et décorative, via la fabrication de moules et pièces en verres décoratives, telles que des vases, sculptures en verre et verrerie d'architecture.
La fabrication de blocs optiques en verre tels que des lentilles pour les phares automobiles, pour les projecteurs et lanternes d'éclairage public.
La fabrication d'armatures et de lanternes dédiées à l'éclairage public.
Dès le milieu des années 1920, la SA HOLOPHANE joue les premiers rôles dans l'éclairage public Français. La société utilise son savoir-faire en terme de verrerie, et conçoit ou bien des luminaires au moyen d'une enveloppe en verre prismatique qui entoure la lampe, à l'instar du luminaire 4446, ou bien des luminaires constitués d'une armature en cuivre et d'un réflecteur en verre poli. La SA HOLOPHANE s'associe notamment avec la société PBL INDUSTRIES qui conçoit des crosses de fixations et armatures en cuivre. Cette dernière est définitivement acquise par la SA HOLOPHANE en 1936. Les réflecteurs en verre, qui sont contrairement aux réflecteurs en aluminium insensibles à l'humidité et à tout autre effet de corrosion et par définition « inaltérables », deviennent la marque de fabrique de la société dans l'éclairage public et le resteront jusqu'au début des années 1990. À la fin des années 1920, la SA HOLOPHANE et son
principal concurrent, la Compagnie des lampes (qui exploite la marque MAZDA), sont les deux principaux acteurs sur le marché de l'éclairage public en France.
La SA HOLOPHANE et PBL INDUSTRIES conçoivent le luminaire d'éclairage public « TS ». Ces luminaires, conçus pour être équipés d'une lampe à incandescence, sont posés sur 60 kilomètres sur le tronçon principal reliant Grasse à Menton, en passant par Nice. De 1930 jusqu'à la fin des années 1950, la branche « Éclairage public » de la SA Holophane (la plus importante de la société) conçoit des lanternes suspendues pour lampes à incandescences et divers réfracteurs en verre qui rencontrent pour la plupart un très grand succès sur l'ensemble du territoire français.
La SA HOLOPHANE hors de France
Au milieu des années 1950, l'accord entre les trois sociétés HOLOPHANE (Américaine, Anglaise et Française) de se répartir le marché est toujours en vigueur. Les activités de la SA HOLOPHANE, en vertu de cet accord, est toujours limité à la France et ses colonies, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Suisse et la Belgique. En 1956, à la suite d'une action en justice de la société française SA HOLOPHANE, la société américaine HOLOPHANE INCORPORATION est condamnée pour violation de la loi « antitrust » américaine. L'accord passé entre les trois sociétés est jugé contraire aux principes de la libre concurrence imposée aux sociétés américaines. À la suite du procès, la SA HOLOPHANE obtient le droit de commercialiser ses produits dans les pays où HOLOPHANE INCORPORATION et HOLOPHANE LIMITED sont implantées. Les trois sociétés se mettent néanmoins d'accord de façon officieuse pour ne pas se faire concurrence entre elles dans ces pays. La SA HOLOPHANE crée l'année suivante des activités au Liban et en Syrie.
En 1965, la société américaine HOLOPHANE INCORPORATION rachète la société anglaise HOLOPHANE LIMITED. En 1971, HOLOPHANE LIMITED est rachetée par le groupe américain JOHNS-MANVILLE. En 1989, l'entité est rachetée par un groupe d'entrepreneurs américains et retrouve son indépendance. La société HOLOPHANE INCORPORATION crée par la suite de nombreuses filiales dans le monde entier, dont l'entité HOLOPHANE EUROPE LIMITED au Royaume-Uni pour le marché européen. Cette dernière rachète notamment en 1999 un fabricant historique de l'éclairage espagnol, CARANDINI.
En France, la SA HOLOPHANE, malgré le droit obtenu de créer ses propres activités à l'étranger, priorise durant les décennies qui suivent son activité au sein du territoire Français. Aussi, bien qu'elle maintienne sa position de leader sur le marché des luminaires d'éclairage public en France, ses activités restent modérées à l'étranger entre 1960 et 1990, en comparaison de celle de certains de ses concurrents français tels que MAZDA ECLAIRAGE ou ECLATEC.
Les succès des luminaires routiers de la SA HOLOPHANE
À partir de la fin des années 1950, la SA HOLOPHANE conçoit de nombreuses bornes d'éclairage et luminaires résidentiels parmi lesquels le « 3334 » qui rencontre un grand succès pour l'éclairage des lotissements entre 1960 et 1980. Ces luminaires sont généralement équipés d'un réfracteur cylindrique qui entoure une lampe Ballon Fluorescent. Au milieu des années 1950, la SA HOLOPHANE met au point ses premiers luminaires routiers. Ceux-ci utilisent tous des réflecteurs en verre poli dont la surface supérieure (côté capot) est recouverte d'une couche d'aluminium (améliorant la réverbération de la lumière) elle-même recouverte d'une peinture anticorrosion. Parmi les luminaires à fixation latérale, les « LT 3 » (à appareillage non incorporé) et « ARO 3 » sont les premiers conçus. À partir de janvier 1962 sont proposés au catalogue les luminaires « ARO 1 » et « ARO 2 ». Constitués d'un châssis en fonte d'aluminium, d'un
capot en polyester et d'un réflecteur en verre poli, prévoyant l'incorporation de l'appareillage pour les lampes à décharge, ils rencontrent un énorme succès, notamment dans la partie ouest du pays. Commercialisés jusqu'en 1974, ils se sont écoulés à plus de 100 000 exemplaires dans le pays. Les luminaires « LT 2 » et « LT 3bis », de conception similaire aux luminaires « ARO » avec un capot métallique mais sans possibilité d'incorporer l'appareillage, s'écoulent à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires dans le pays.
À partir de janvier 1971, la SA HOLOPHANE propose à son catalogue une nouvelle série de luminaires, la série « VM ». Celle-ci est destinée à succéder aux luminaires « ARO » et « LT ». Ces luminaires sont constitués d'un réflecteur en verre poli recouverte d'une couche d'aluminium (comme le sont la plupart des luminaires de la société), d'un capot en polyester armé de fibre de verre (plus solide que celui des luminaire ARO, lui offrant la robustesse d'un capot métallique), et de forme plus allongée le rendant adapté aux nouvelles lampes à vapeur de sodium sous haute-pression de forme tubulaire. Les luminaires « VM » rencontrent un succès commercial sans précédent pour un luminaire d'éclairage public. Ils s'écoulent à plus de 400 000 exemplaires dans le pays.
Fondation de la société EUROPHANE
Au début des années 1970, la superficie des locaux de la SA HOLOPHANE aux Andelys devient insuffisante. En conséquence, en 1972 :
L'entité spécialisée dans la verrerie est conservée dans les locaux d'origine.
L'entité « Éclairage Public » est déplacée dans des locaux voisins, toujours aux Andelys.
À la suite de ce déménagement, le département « Éclairage Public » de la SA HOLOPHANE prend le nom d’EUROPHANE en 1974. EUROPHANE reste une filiale de la société SA HOLOPHANE et son activité est pleinement centrée sur la conception de luminaires pour l'éclairage public. Le groupe fait en parallèle l'acquisition de la société SABIR, localisée à Belleville-sur-Saône (69), spécialisée dans la fabrication d'appareillages pour l'éclairage public. À partir de 1979, les luminaires d'éclairage public sont commercialisés (et étiquetés) sous le nom de EUROPHANE.
D'autres luminaires sont conçus par la SA HOLOPHANE (puis EUROPHANE) entre 1965 et 1985, dont la série « Trafic » en 1977 pour les luminaires routiers, et les séries « CA » (de forme carrée), « SA » et « SR » pour les luminaires décoratifs. Ceux-ci utilisent tous les mêmes réflecteurs (ceux qui équipent aussi les luminaires « VM »). À partir de 1985, EUROPHANE commercialise le luminaire « Pilote » (qui se décline en trois gammes, Pilote T1, T2 et T3). Celui-ci devient en quelques années le plus gros succès commercial de l'histoire de la société pour un luminaire d'éclairage public. Il devient par la même occasion le luminaire de plus répandu de tous les luminaires d'éclairage public en France. Il s'est écoulé à environ 600 000 exemplaires dans le pays entre 1985 et 2010.
EUROPHANE rejoint le groupe THORN
Depuis le début des années 1980, la société anglaise THORN EMI souhaitait acquérir la société EUROPHANE. La crise financière de 1987 fit chuter le cours de l'action de la SA HOLOPHANE. En 1988, THORN EMI réalise une OPA et rachète les sociétés membres de la SA HOLOPHANE (HOLOPHANE, EUROPHANE, SABIR, PARSCOT). En 1990, THORN EMI revend la société HOLOPHANE (à la société française SEDIVER, filiale du groupe italien FIDENZA). L'entité EUROPHANE devient THORN EUROPHANE, filiale française du groupe THORN LIGHTING. Les activités - discrètes - de la société THORN EMI qui existaient déjà en France depuis 1970 environ (sous le nom de THORN EMI FRANCE) sont intégrées au sein de l'entité THORN EUROPHANE.
Durant les années 1990, la société THORN EUROPHANE poursuit principalement la commercialisation des produits conçus par EUROPHANE dans les années 1980. Seuls quelques produits qui étaient proposés par THORN EMI FRANCE sont intégrés au catalogue. Entre 1990 et 1995, THORN EUROPHANE conçoit le luminaire « Marianne », un produit à bas coût exclusif à l'entité française du groupe THORN LIGHTING. L'entité THORN EUROPHANE conçoit le luminaire « Riviera ». Ce luminaire s'inspire du design d'un luminaire THORN EMI déjà existant (le luminaire « Alpha 2000 ») et du fonctionnement (système d'ouverture, pièces détachées) du luminaire EUROPHANE « Pilote ». Ce luminaire est commercialisé par THORN EUROPHANE (ainsi que par les autres filiales de THORN à l'étranger) à partir de 1995. Le luminaire « Alpha 2000 » est par la même occasion intégré au catalogue de THORN EUROPHANE (en tant que luminaire « Carat »). Quelques luminaires sont par la suite conçus par THORN EUROPHANE et intégrés au catalogue du groupe THORN LIGHTING, à l'instar du luminaire « Triumph » en 1999. Au fil des années, la technique des réflecteurs en verre est abandonnée au profit de réflecteurs en aluminium plus conventionnels. Outre le fait que les réflecteurs en aluminium soient moins chers et moins lourds, la principale raison vient des progrès technologiques permettant de concevoir des luminaires avec un bloc optique étanche (IP66), rendant l'intérêt du verre presque nul.
Durant les années 2000, quelques produits EUROPHANE étaient toujours commercialisés par THORN LIGHTING, dont les luminaires « Espace », « CA 500 », « Lemnis » et « Pilote ». Les deux derniers rencontrent même un grand succès hors de France, le rachat d’EUROPHANE par THORN ayant accéléré la diffusion des luminaires EUROPHANE à l'étranger. Le luminaire « Pilote » a ainsi été commercialisé dans près de 40 pays, en Europe et en Afrique principalement, ainsi qu'en Israël, en Turquie, en Syrie ou encore à Hong-Kong. Au fil des années, l'uniformisation des catalogues des entités de THORN LIGHTING ainsi que l'apparition des nouvelles technologies (dont les LEDs) a provoqué l'arrêt de la fabrication des luminaires autrefois conçus par EUROPHANE. Le luminaire « Pilote », grand succès de son époque, ne figure plus au catalogue de THORN LIGHTING à partir de 2011. Aux alentours de 2015, le centre de production de THORN EUROPHANE se situait toujours aux Andelys et son siège social à Paris.
La SA HOLOPHANE aujourd'hui
La SA HOLOPHANE, quant à elle, est toujours localisé aux Andelys. Toujours spécialisée dans la verrerie, la société a diversifié son activité et conçoit des pièces en verre pour l'éclairage public (vasques en verre), l'automobile (verres pour les phares de véhicules) ou encore la signalisation (plots de chaussée en verre pour la signalisation routière). Le savoir-faire de la SA HOLOPHANE est également apprécié par de grands noms de l'automobile et de l'éclairage. La SA HOLOPHANE travaille régulièrement en collaboration avec des sociétés telles que PHILIPS, SCHREDER, THORN, ECLATEC pour l'éclairage, VALEO pour l'automobile ou encore LEGRAND pour les marchés grand-public.